La chronique de « Mexican Gothic » par Silvia MORENO-GARCIA contient des Spoilers.
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J’ai mis du temps avant de me lancer dans la lecture de « Mexican Gothic » (2020) de Silvia MORENO-GARCIA Comme à chaque fois, lorsqu’une œuvre a tant d’yeux braqués sur elle, j’ai tendance à m’en détourner, allant voir ailleurs si les brumes sont plus froides et denses, en attendant que les ardeurs se calment. Pourtant, l’ouvrage avait tout pour me plaire. On m’a poussé encore et encore à m’en emparer, à me rendre au manoir des Doyle, mais je n’ai rien voulu savoir. Je n’ai rien voulu savoir jusqu’en Septembre 2025, alors que les températures venaient de se rafraîchir et que les chaleurs d’été nous délaissaient à peine. Alors, un peu moins têtue, j’ai cédé et j’ai accompagné Noemí Taboada lors de sa visite dans la région d’Hidalgo, jeune femme avec qui j’ai eu l’heureuse surprise de partager bon nombre de qualités – et de défauts.
Noemí, mondaine de Mexico City, se fait convoquer dans le bureau de son père à la suite d’une soirée outrancière. Dans la fleur de l’âge, croquant la vie à pleine dents, curieuse et pleine de projets, une fois dans le bureau la jeune femme se demande si cette convocation impromptue portera une nouvelle fois sur ses divagations comportementales, indigne de son statut. Son rêve, c’est d’accéder à de grandes études en anthropologie, mais sa famille ne semble pas voir sa passion d’un œil très auspicieux. Une jeune femme à l’université ? Pourquoi pas, mais ça ne se fait pas vraiment.
Cependant, ce n’est pas pour cela que Noemí est invitée dans les quartiers de son paternel. Non, ce dernier vient de recevoir une lettre très inquiétante de sa cousine Catalina, mariée à une famille anglaise, extractrice d’argent, en déchéance. Cette dernière semble en détresse, perdant la tête et demandant expressément la venue de Noemí. La jeune mondaine est parfaitement réticente de quitter sa ville adorée de Mexico City pour se rendre dans des régions plus reculées du Mexique, mais son père très inquiet insiste. Le patriarche lui impose un marché qu’elle n’a pas d’autre choix d’accepter, au risque de perdre tout espoir de se rendre à l’université et poursuivre son rêve académique. Elle cède et se rend donc dans la famille Doyle pour s’enquérir de la santé mentale et physique de Catalina.
C’est ainsi qu’une enquête psychédélique débute pour Noemí qui remarque tout de suite que quelque chose ne va pas dans le manoir de High Place.
Silvia MORENO-GARCIA
Silvia Moreno-Garcia, née le 25 avril 1981 en Basse-Californie au Mexique, est une romancière et nouvelliste mexicano-canadienne de fantasy, science-fiction et horreur.
I・Le Gothique aux couleurs du Mexique
Ce que j’ai adoré dans la proposition littéraire de Silvia MORENO-GARCIA, c’est sa réinvention du mythe gothique. Un genre européen qu’elle a parfaitement su retranscrire dans un contexte mexicain des années 50, en prenant en compte l’histoire du pays et du territoire qu’elle évoque.
On a le château en ruine – ici le manoir des Doyle –, la famille décadente, tant par sa généalogie qui semble être en cercle, mais aussi sa perte subite et dramatique de fortune, bien que le patrimoine reste tout de même conséquent. Il y a évidemment les secrets transgénérationnels et l’atmosphère avec l’omniprésence de la Mort.
J’ai admiré l’installation des ambiances, où est exposé un très beau contraste entre l’effervescence de la ville et le calme des campagnes mexicaines où les mœurs sont drastiquement différentes. Comme dans le gothique européen, on retrouve le brouillard, le manoir labyrinthique, sombre, et même très sombre, au point où cette noirceur est un personnage à part entière au point qu’il soit personnifié. Le manoir est isolé géographiquement, et dans cette grisaille qui devient peu à peu étouffante, bien loin des contes de fées avec princes et princesses charmantes, l’héroïne est menacée et la raison flanche peu à peu.
Si on m’a tant vendu cette œuvre, c’est parce qu’on me l’avait présenté comme lovecraftienne. Bien qu’au début de ma lecture j’ai eu beaucoup de mal à le concevoir, cela prend tout à fait sens à partir de la moitié du livre où j’ai trouvé l’horreur cosmique très intelligemment amenée, sans que cela ne soit poussif ou imposé sans raison pertinente. On sent l’influence d’Howard Phillips LOVECRAFT, un accompagnement délicat qui n’ombre en rien la construction narrative revisitée et façonnée par Silvia MORENO-GARCIA.


Bien que nous puissions lister toutes ces similitudes avec le genre gothique traditionnel, quelques éléments diffèrent afin de s’adapter au contexte choisi par l’autrice. Par exemple le lieu, High Place, n’est pas un château anglais à proprement parlé, bien qu’habité par une famille coloniale, mais une hacienda minière à l’état délabré dans les montagnes de l’État d’Hidalgo. Et ceci s’explique car, comme évoqué bien plus tôt, le récit habite le Mexique des années 50, après La Révolution Mexicaine de 1910-1920, au cœur d’un pays en pleine modernisation, ce qui permet de confronter tradition et modernité, tout en offrant des ressorts narratifs inédits. Par exemple, l’hacienda ne possède pas vraiment l’électricité, due à son ancienneté, ce qui donnera quelques difficultés pour l’exploration des dédales et offrira des occasions de terrifier l’héroïne et le lecteur de façon non artificielle.
Étant une très grande curieuse, et adepte des folklores à travers le monde, cette revisite du mythe gothique donne une intelligente hybridation entre les traditions gothiques et les réalités mexicaines, que cela soit au niveau des croyances locales décrites, des paysages de montagne dressés, et de l’héritage colonial britannique largement évoqué et utilisé pour faire exister la famille Doyle et ses enjeux… discutables.
Et parce que notre histoire se passe au Mexique, alors les personnages parlent espagnol et… pas tout à fait. D’ailleurs, cela a son importance dans le récit. La famille Doyle persiste à parler anglais et à maintenir des coutumes victoriennes, accentuant le contraste avec le village mexicain environnant. Mais cette non adaptation volontaire aura un coût pour la famille qui donnera un avantage non négligeable à Noemí, native, pour résoudre les mystères des lieux qu’elle hante par sa témérité et sa candeur.
Tous ces éléments mettent en lumière les tensions postcoloniales, où le gothique européen dans un espace colonisé sert à exposer les cicatrices de l’exploitation minière et de la domination étrangère. Ce ne sont pas les seuls éléments, mais le roman questionne l’appropriation culturelle à rebours. Une écrivaine mexicaine reprend un genre issu de l’ancien colonisateur et l’adapte pour dénoncer la colonisation.
II・Colonialisme : la racine du cauchemar
Étant très sensibilisée en ce qui concerne les sujets coloniaux, il m’était difficile de ne pas apprécier le ton employé par l’autrice, ainsi que le traitement du sujet que j’ai trouvé particulièrement pertinent dans ce contexte. En tant que grande passionnée d’Histoire, de l’Autre et des récits que l’on se raconte, il me semble naturel d’avoir une certaine appétence pour la protection des cultures et l’intégrité des peuples.
(SPOILER) En plus d’être curieuse de ces sujets, j’ai une fascination pour le règne fongique : les champignons et associés. Silvia MORENO-GARCIA a choisi le thème du parasitisme pour parler en sous-texte du colonialisme et de l’exploitation économique, entre autres.
Si vous avez suivi votre lecture, vous avez compris que les Doyle survivent grâce à un champignon souterrain qui leur permet de régénérer leurs corps et de contrôler les esprits. Le réseau fongique agit comme une métaphore du colonialisme, une présence invisible qui s’étend, infiltre, exploite et ne meurt pas. Les règles régissant son existence sont les siennes et uniquement les siennes. Pas de demi-mesure, pas d’exception. Grandir, s’étendre, posséder, imposer, exister sont les seules Lois.

Il y a également une autre façon de lire ce réseau fongique, allégorie que j’ai trouvée très évocatrice dans le premier cas du colonialisme, mais aussi dans le cas du schéma familial dont on peut se sentir prisonnier malgré nos expériences et notre individualité, comme le personnage de Francis Doyle. Ce dernier est une exception un peu étrange. Il possède tous les attribus de sa famille eugéniste, paraît même partager certaines idées, mais il semble corrompu par l’idéal de l’extérieur porté par son père, pièce rapportée décédée dans des circonstances étranges et tragiques. Il se décrit lui-même comme lâche de ne pas réussir seul à se défaire du joug généalogique, et le reste de sa famille n’a de cesse de lui rappeler qu’il est une branche pourrie, une anomalie à corriger, recoder, encore et encore jusqu’à ce que l’espoir se brise à jamais. Francis est une mutation adaptée à la nouveauté. Un cancer qu’il faut soigner pour que le système perdure.
Dans notre récit, pour revenir au colonialisme, la famille Doyle s’est enrichie par l’extraction de l’argent, symbole du pillage des ressources mexicaines par les Britanniques. Même après la fermeture de la mine, la domination persiste sous forme biologique, avec le champignon, image d’un colonialisme qui s’enracine dans le sol et dans les corps.
Ce champignon contrôle les individus, retirant l’autonomie de l’Être. Ainsi il permet d’exercer un contrôle mental, et ce pouvoir est conservé grâce à des mariages consanguins, avec une reproduction forcée où la biologie devient l’outil de la mainmise coloniale. Parfois, pour que la lignée puisse survivre, d’autres individus sont sélectionnés pour donner une descendance – comme le père de Francis -, mais ces corps ne sont perçus que comme des réceptacles et non des individus. Howard Doyle, le patriarche, est un fervent adepte des théories eugénistes. En plus de coloniser culturellement, on colonise les corps. Ainsi, l’élément horrifique, avec la fusion des chairs, la perte de libre arbitre, traduit la dépossession des colonisés.
La dimension écologique est également intéressante à prendre en compte : le champignon est un organisme opportuniste, et comme le dit Francis à Noemí, il ne fait pas cela avec conscience, ni avec une volonté de faire le Mal, c’est simplement dans sa nature. Et c’est d’ailleurs en cet élément qu’on trouve du Lovecraftien : tout comme sa cosmogonie qui a un impact sur l’humanité, il n’est pas question de faire le mal dans une pure volonté, mais simplement d’exercer un pouvoir qui dépasse la compréhension humaine. C’est exactement ce que fait le champignon des Doyle, un organisme, donc, opportuniste qui recycle la mort pour survivre. Comme le colonialisme, il ne crée pas, il exploite et se nourrit de l’hôte. Outre les dessous de High Place habités par le champignon, l’ambiance exalte l’idée que la nature elle-même est corrompue par l’exploitation humaine, où il est décrit un lieu stérile, sans vie. Ainsi la terre mexicaine conserve la trace de l’envahisseur et de ses stigmates.
Silvia MORENO-GARCIA propose une allégorie où la science et le surnaturel se confondent : le parasitisme biologique renvoie à une domination politique et économique toujours active, même après la fin officielle de la colonisation. C’est un traumatisme persistant et transgénérationnel.
III・Noemí Taboada, figure d’emancipation
J’ai adoré la protagoniste principale de Noemí Taboada où j’ai pu me reconnaître en elle par bien des aspects. Et de manière assez triviale par rapport au reste, je suis contente de pouvoir lire les aventures d’un personnage féminin fort dans un univers aux notes lovecraftiennes, qui résiste face aux aléas, ne se laisse pas faire, mais présente également des défauts majeurs qui la rendent crédible. Elle n’est pas juste belle et intelligente.
Comme évoqué plusieurs fois, nous nous retrouvons dans un contexte littéraire mexicain, dans les années 50, où la société est fondamentalement patriarcale et où on attend des femmes qu’elles soient de bonnes épouses ou des filles dociles. Autant vous dire que ce n’est pas le cas de la jeune femme et qu’il est très agréable de pouvoir lire son assertivité. Bien que Noemí ait des origines bourgeoises, elle ne peut pas vraiment se soustraire aux normes sociétales de Mexico. On attend d’elle un mariage stratégique, pas une carrière ou des études, comme elle l’a toujours souhaité. On lui demande de choisir et même de délaisser son futur, d’une certaine façon, alors qu’elle est dans une période charnière de son existence où tout est encore possible et où la construction de qui on souhaite devenir en tant qu’individu est fondamentale. La question du « Qui suis-je ? » résonne dans tout son être.

Elle est indépendante, elle fume, conduit, fréquente les milieux artistiques et académiques et en plus de tout ça elle refuse les fiancés imposés. Sans parler qu’elle a une très grande curiosité intellectuelle, elle se passionne pour l’anthropologie, a un goût prononcé pour les sciences et a des qualités d’enquêtrices indéniables. Une jeune femme pleine de vie, de rêves, mais qui ne correspond pas aux standards de son époque. Cependant, ce n’est pas non plus l’anticliché de sa période, où la bourgeoisie avait tout de même quelques facilités de par le statut. Noemí est le parfait symbole de la relève de la génération future de son pays. Elle parle l’anglais et l’espagnol, et l’ironie est une troisième langue tandis qu’elle refuse la politesse forcée.
Noemí est la résistance face aux dictats patriarcaux de son contexte : la briseuse de cycle. (SPOILER) Face aux Doyle, en particulier Howard qui incarne le patriarche immortel, elle ne se laisse pas faire, malgré ses tentatives de domination en essayant de la faire sentir inférieure à lui de par son sexe et ses origines. Elle résiste également à Virgil, le fils d’Howard, qui est une véritable menace sexuelle. Il lui a fait un certain nombre d’avances alors qu’il est marié à sa cousine Catalina, et a même tenté de la violer à plusieurs reprises, sans oublier qu’il outrepassait régulièrement son consentement en la forçant à boire.
Un autre schéma remanié dans ce gothique mexicain, c’est qu’elle résiste également à sa propre famille, comme évoqué plus tôt. Mais lorsqu’elle part pour High Place, elle y va non comme victime, mais comme une sauveuse de sa cousine, inversant le schéma du personnage féminin principal comme demoiselle en détresse. C’est elle, Noemí, qui va résoudre le mystère de l’Ouroboros.
En plus de cela, il existe une véritable solidarité féminine entre elle et Catalina, ce qui est très agréable à notifier tant c’est un schéma relationnel rare. De plus, en termes d’alliance, elle trouve une relation solide et non – pas uniquement – amoureuse avec Francis, où elle montre que son héroïsme passe par la coopération et non l’isolement, comme les preux chevaliers prenant tous les risques pour leur dame. Noemí transforme le rôle traditionnel de l’héroïne gothique, où elle n’est pas une innocente passive, mais une actrice de son Destin. J’ai trouvé cela rafraichissant d’avoir un roman gothique ou la relation amoureuse n’est pas centrale, et surtout que celle-ci puisse servir un propos plus noble parlant de choix et d’individuation. Son émancipation n’est pas seulement personnelle, mais elle brise un cycle de domination masculine et coloniale. Elle est une incarnation d’un futur idéal, de l’Espoir. Une lueur rare dans le roman gothique traditionnel sinon inexistante, mais peu étonnante tant la question de la lumière est également un élément important dans ce récit muté.
IV・Reves toxiques et realites troublees
C’est probablement ce qui m’a le plus séduite dans ce livre : le psychédélisme. Je suis une grande adepte du weird, du bizarre et de l’onirisme, et j’ai trouvé que Silvia MORENO-GARCIA avait frappé fort lors de ma lecture. Tout était là pour me plaire, en plus d’avoir une plume facile à lire et élégante.
(SPOILER) Les mécanismes narratifs ont très bien fonctionné sur moi, avec ce champignon omniprésent, mais pas trop non plus, identifié comme le Psilocybe mexicana, sporadique – et c’est le cas de le dire – qui diffuse des toxines qui provoquent des visions, distorsions temporelles et cauchemars éveillés. Tout est très ambigu lors de notre lecture, et le doute s’installe dans la permanence : sommes-nous dans un délire sous drogue ou est-ce du surnaturel ? L’écriture sensorielle nous aide à nous fondre dans cette ambiance hallucinée. Les descriptions des textures, des odeurs, des sons créent une atmosphère étouffante dont il est difficile de se défaire. On sent l’humidité, les moisissures, on entend le mycélium respirer, nous chuchoter ses desseins étranges.
On ressent parfaitement l’influence du psychédélisme dans le récit, où on nous décrit des couleurs vives, des sensations amplifiées, des images oniriques : une esthétique qui évoque aussi le cinéma d’horreur des années 60-70, dont je suis particulièrement friande. Et il serait triste d’oublier le « Body Horror » largement évoqué tout au long du récit, avec des transformations corporelles, des pertes de contrôle, des contaminations proches de ce qu’un CRONENBERG a pu présenter au cinéma.

Les fonctions thématiques sont également importantes à souligner. Les pertes de repères, grâce à la confusion entre rêve et réalité, traduisent la dépossession coloniale et la perte d’autonomie des personnages. Et à côté de ça, l’arc au sujet de la transmission de la mémoire, suite aux visions induites par le champignon, sont aussi des archives vivantes de la famille Doyle, où le passé envahit le présent : comme un traumatisme.
Dans ce récit, le malaise vient moins de l’action violente – assez rare, mais marquante quand cela arrive – que de l’immersion sensorielle : le roman agit comme une expérience hallucinatoire, impliquant le lecteur dans l’angoisse. Une expérience quasi spirituelle à la façon d’un rite magico-folklorique mexicain.
V・High Place, maison-corps et memoire vivante

(SPOILER) Le dernier aspect que je souhaite approfondir, c’est la maison comme personnage. High Place est décrite comme humide, suintante, presque respirante. Le réseau fongique traverse murs et fondations, la demeure devient un corps nervuré, sentient. Régulièrement Noemí évoque le fait qu’elle se sent comme à l’intérieur d’un corps tant les textures lui font cet effet. Quant à Catalina, cette dernière dit que les murs parlent. Ainsi, la Maison n’est pas un simple décor, c’est un organisme vivant. Un membre de la famille Doyle.
Construite grâce à la mine d’argent, elle conserve les traces de l’exploitation britannique. Le Champignon enregistre les souvenirs, les voix, transformant la maison en archive consciente du passé, une mémoire coloniale et familiale.
De par son isolement géographique avec sa brume, ses routes impraticables, la sensation d’emprisonnement, la demeure est un agent de corruption dont il est difficile de se défaire. En effet, petit à petit, les spores créent une dépendance, la maison retient et contrôle ses habitants. Elle les enferme dans la noirceur, le Gloom. La Noirceur désignée, elle semble être un amalgame entre les polarités masculines et féminines. Le Gloom se donne naissance et se dévore à la fois. Il est l’extérieur et l’intérieur. Comme le précepte le plus connue d’alchimie : il est le Ce qui est en Haut est comme ce Ce qui est en Bas.
Et ma peine fut si grande lorsque j’ai découvert l’essence de cette Noirceur : elle est la Mère, elle est née du ventre d’un amour passé, d’un amour perdu, d’un amour qui n’a jamais été, elle a poussé entre les côtes des mineurs morts à la mine, elle est la caverne qui abrite tous les monstres que nous domptons chaque jour. Et c’est dans une ultime Katabasis que le trio de Noemí, Catalina et Francis, affrontent leurs reflets afin de se sauver.
Cette maison, c’est aussi un symbole de décadence, avec ses odeurs de moisissure, les murs qui se fissurent, c’est l’image d’un système colonial qui refuse de mourir, mais surtout d’un corps en perdition qui ne veut pas expirer sa dernière seconde dans une ultime extase.
High Place agit comme un antagoniste à part entière, mêlant mémoire et pouvoir. Ainsi sa destruction finale marque la fin d’un cycle de domination. Une petite victoire pour soi et pour les autres.
Ultima Verba
Je regrette presque de ne pas avoir lu ce livre plus tôt, mais je me dis que si ce n’était pas le moment, ça ne l’était pas et je ne peux pas refaire le passé, simplement le laisser être et me concentrer sur une réalité que j’ai vécue, éprouvée, ressentie pleinement. « Mexican Gothic » a définitivement été une excellente lecture qui m’a transportée d’une façon que je n’aurais pas cru. Je suis également ravie d’avoir rencontré la plume de Silvia MORENO-GARCIA par ce biais et je ne manquerai pas de m’intéresser à ses autres ouvrages. Mais je dois bien avouer que bien que « Mexican Gothic » soit un récit qui se suffit à lui-même, je ne serais pas contre une suite avec le trio de Noemí, Catalina et Francis, ou juste le duo de Noemí et Francis, qui est très prometteur. L’autrice semble surtout apprécier écrire des volumes uniques, mais peut-être que les Grands Anciens entendront mes prières ?
C’était une lecture intelligente, troublante, tranchante et si vous ne l’avez pas encore lu, allez donc prendre un peu l’air à High Place.
Marques-Pages T’Ooh & T’Aah
Si vous souhaitez ne pas être seul lors de vos terrifiantes lectures, T’Ooh le fantôme téméraire et T’Aah le fantôme un peu moins téméraire peuvent vous soutenir dans vos horribles aventures !
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