Naître au seuil d’une Caverne

Je ne suis pas certaine non plus que cela soit vraiment nécessaire. Parce que si celui-ci régit bien nos existences, alors à quoi bon tenter de nous y soustraire ? A moins que nous ne nous pensions plus malins que ce dernier, et tentions de le défier. Et si le Destin ne forme aucun tissage complexe autour de nos courbes matérielles, tel un linceul, il n’est d’aucune utilité d’épuiser notre psyché contre ses frontières.

Je crois que la Question de savoir – ou non – si quelque chose nous guide sur les routes du Futur, est une question qui ne trouvera jamais de Solution satisfaisante. Alors tel un funambule, j’oscille au-dessus du gouffre des idées, je fixe la boîte contenant ma propre essence, enfermée, et je me demande s’il y a une bobine de fil ayant déjà tissé le châle de soie arachnéenne sur mes épaules – ou non.

Le Destin se fend d’un complexe de Schrödinger. Il existe ; Mort-Vivant.

Il serait outrageusement, et insolemment innocent de me laisser croire que certaines règles ne régissent pas nos conditions. Que lorsque nous poussons notre premier cri, dans la matrice, les fondations de notre domaine intérieur n’héritent pas de quelques avantages et désavantages bien différents de l’âme voisine.

Je ne suis pas une fervente croyante du dogme de la méritocratie, mais je ne crois pas non plus que l’on n’ait aucune prise sur nos vies individuelles. Nous naissons avec plus ou moins de facilités, de cartes en main, et puis même parfois sans rien. Vraiment RIEN. Mais la Nature n’aime pas le Vide, et si celui-ci creuse sa caverne, qu’est-ce qui nous empêche de la remplir de trésors ?

Certainement, nous devrons partir en quête, avec nos doutes, nos craintes, nos peurs, mais surtout nos passions. Et la Curiosité. La belle qui demande toujours « Pourquoi » et s’intéresse avec sincérité au Futur. A défaut de n’avoir rien sur des chemins Inconnus, nous ne sommes pas seul. Les compagnons ne sont pas toujours agréables, on se perd parfois. Même, souvent. Mais nous quêtons la Question éternelle et nous construisons la Solution ultime – NOTRE Solution ultime – avec ce que nous trouvons sur notre route sinueuse, Serpent Tentateur, avare des trésors sertissant nos cœurs, marqueurs de nos Hauts Faits. Nous choisissons nos parures, soignons nos blessures, honorons nos cicatrices, façonnons nos armures, brandissons nos armes.

Nous n’avons pas besoin du plus beau Graal pour boire l’Eau Salvatrice de la Source.

Rien ne nous empêche de nous languir parfois sur les rives de nos fleuves de pensée, d’y observer les souvenirs et pêcher des poissons de mélancolie pour nourrir nos intérieurs. Mais ne pas découvrir une faune et une flore étrangère à soi serait une raison de tristesse appauvrissant nos eaux, blessant, voire tuant notre compagne Curiosité, la plus fragile et la plus précieuse. Et ce choix d’avancer, de lever nos regards vers l’Horizon où naissent l’Aube et le Crépuscule, est, je crois bien le seul acte qui nous reviennent vraiment de manière absolue, qu’importe la situation. Que notre corps pourrisse derrière les barreaux d’une prison ou soit en déroute au cœur d’un désert, comme sachant se tourner vers la Mecque, l’âme sait se mettre en diapason avec la ligne où naisse les évènements.

Je n’aime guère user du mot « Absolu », mais faute de mieux, je me laisse enlacer par Feignantise. J’aimerais y croire à ce Grand Tout, m’y abandonner pleinement, mais je ne peux me résoudre à ne pas garder un pied de ce côté, et l’autre au-delà. A cheval entre deux Mondes.

Je suis de celle qui ont choisi de défier, de renverser l’échiquier en noir et blanc que l’on m’a imposé à peine mon premier souffle goulûment avalé. Je n’ai pas compris le rôle que l’on m’a assigné, ou alors je n’en avais pas envie. Je ne saurais plus vraiment dire. J’étais certainement – par Chance, et je dois l’admettre – déjà trop proche du bord du plateau.  

Qu’y a-t-il Au-Delà ?

J’ai pris de l’élan, un jour, et j’ai sauté. J’ai sauté si fort, si loin, que j’ai bien cru que mon cou se briserait plus bas… Mais je me suis retenue. J’ai attrapé le bord de cette falaise, j’ai tenté d’hisser mon corps, sans jamais plus y parvenir – ou presque, encore parfois.

Cette fois, je n’essaye plus.

Mes doigts se délient, le bord s’effrite sous ma prise.

Et je tombe dans les bras du Destin.

Cette chimère que je fais un peu – parfois – exister par Volonté, pour me rassurer, mais qui s’estompe lorsque je prends conscience de la Beauté du Réel. Illusion atomique.

Et je n’arrêterai plus d’écrire, de vomir les mots. Les miens et ceux des Autres. Je peindrai Leurs portraits, coucherai les paysages du Vrai Monde. Celui de couleurs faites et où dansent des ombres de soleil. Je conterai les histoires des dieux oubliés, des esprits qui courent sur les terres volées.

C’est bien tout ce que je peux faire. Offrir corps et voix au Culte de Culture. J’offrirais et honorerais ma Colère et celles de mes aïeuls, je laisserais habiter mon corps par les génies, les laisserais m’enseigner leurs savoirs. Car j’ai choisi mon nom et qui je suis. Je suis leur prêtresse, leur silence bruyant. Et au Temple brûlent les encens entêtants célébrant l’Être dans ce qu’il a de plus beau. Car l’Absolu est Un et Tout. Il est ce qui en bas et ce qui est en haut. Il est le Pluriel au Singulier. Le Singulier au Pluriel.

Je ne prétends pas détenir la Vérité. Mais je choisis d’honorer la quête. J’avance, un pied dans l’Invisible, l’autre dans la chair du Monde. J’invoque, j’apprends, je transforme. Que vive le Verbe. Et que jamais ne s’éteigne la soif de comprendre.

Ce texte est un essai autour du concept de Destinée. Ma volonté est d’exposer un morceau de réflexion personnelle autour de cette notion, dans la tonalité poétique qui m’est propre.

Sentez-vous libre d’exprimer vos avis et réflexions à ce sujet dans l’espace commentaire.

« The Lady of Shalott » (1888) par William Holman Hunt

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