Sous les influences d’ici et d’ailleurs, dans l’atelier, les pinceaux, toiles, crayons, idées et imaginaires s’assemblent pour former le Grand Œuvre.
La peinture est un exercice alchimique. Face à la page blanche, tout est possible. La seule contrainte est le cadre, et pourtant celui-ci peut contenir des univers entiers. Je vous ouvre mon musée personnel, peuplé de monstres et environnements étranges. Ceux qui peuplent mes rêves – et mes cauchemars.
Je suis fascinée par les mythologies, et les Moires grecques – ou les Parques chez les romains – ont toujours exercé une sorte d’envoûtement sur moi.
Honnêtement, je ne savais pas trop où aller graphiquement, tant c’est un sujet qui me semblait sérieux. J’ai croqué rapidement leurs portraits, j’ai fait tout un tas de recherches à leur sujet, extraits les symboles qui me semblaient les plus pertinents, imaginé une palette de couleurs… puis le triptyque s’est imposé, à la façon des icônes religieuses chrétiennes.
Je n’avais pas envie d’aller vers un style grecquisant, trop « pur » et convenu à mes yeux. J’avais envie qu’elles aient vraiment l’air de déesses du Destin, qu’on craigne et qu’on respecte. Elles ont plus ou moins les traits de l’Humanité, mais n’en font pas vraiment partie, tout particulièrement Atropos qui semble clairement venir d’ailleurs. Clotho et Lachésis, sont plus humaines, plus ancrées dans la Réalité.
Comment représenter le fil de la Vie qu’elles détiennent ? Ce n’était pas très divertissant de juste tirer des traits, alors je me suis amusée – ou pas… – à dessiner des perles. Je trouve que c’est un attribut qui leur va bien. Les perles, c’est un peu comme la vie ; il y en a de toutes les tailles, les formes et de qualité.
Dans l’intimité de la nuit, sous les étoiles millénaires, la jeune Clotho, habillée d’un voile d’obscurité, tisse les fils des Destins de l’Humanité. Les astres du lointain, ceux qui ont vu naître cet Univers, conseillent la jeune Clotho, dessinent les constellations des prêts-à-naître, chemins de lumière qui guideront leurs pas.
Au fil du fuseau qui fil, elle ajoute les premières perles du collier de la Vie. A Clotho revient le choix, du Mortel et du Dieu, du fil fragile qui se rompt sous la délicate brise ou du fil vigoureux qui ne ploie jamais face à la tempête.
Sous les augures du Silence, Lachésis, sage, mesure le Destin de l’Humanité. Puissante de sa verge, elle alloue et décide du Temps et Faits des Vivants. Guidée par les faibles lueurs des astres secrets, elle détermine ce qui sera et ce qui ne sera pas.
Lachésis sélectionne les motifs de l’existence, les symboles qui feront office de Guides à ceux qui sauront les reconnaitre sur les routes de la Vie. Les étoffes des Dieux ne vont pas à toutes les carcasses nées en cet Univers. Lachésis ne fait qu’ordonner le Chaos.
Au fond de l’Univers, là où les étoiles ne brillent plus, Atropos coupe le fil de Vie de l’Humanité. Laissant s’échapper les perles de l’Être dans l’océan de l’Infini. Seront-elles les graines de l’Histoire, les fantaisies des fous ou les cendres des Sans-Nom ? Le hasard n’est pas sous l’égide des Moires.
Atropos, l’ancienne, arrête le Temps. Elle rend à l’Univers les poussières de ses créations favorites. Du Chaos nait toute chose. Au Chaos revient toute chose. Atropos est la coupeuse, elle sectionne le Destin. Après la nuit, le jour, et lorsque le jour succombe, la nuit renaît. Ainsi vont les choses du Temps.